Le métier d’acheteur public revêt de multiples compétences. Business, gestion des risques fournisseurs, approche économique et financière, négociation et communication, cadre juridique, maîtrise des outils digitaux…sans oublier la bonne compréhension du besoin ! Aussi, de nombreux Responsables des achats prennent la décision de former leurs équipes pour une amélioration continue de leur mission complexe. C’est le cas d’Emmanuelle Guerrini, Responsable du pôle Marchés Publics de l’INPI, qui a choisi d’aller plus loin en diffusant les fondamentaux et les bonnes pratiques en 2021 auprès des prescripteurs de l’établissement public. Arrivée en 2018 à l’INPI, ce manageur-expert spécialisé dans les achats publics croit fermement au partage des métiers et au dialogue pour la co-construction du marché le plus adapté aux besoins. Elle nous raconte son expérience déjà couronnée de succès !
1- Quelles sont aujourd’hui les grandes lignes de la stratégie achats au sein de l’Institut National de la Propriété Industrielle ?
Comme tout établissement public, nous avons un contrat d’objectifs et de performances à atteindre. La stratégie d’achat de l’INPI est celle de la bonne gestion et de la bonne utilisation des deniers publics en cherchant avant tout la définition du juste besoin pour tout sujet. Nous achetons dans des matières très diverses mais également des services intimement liés à notre activité comme l’intelligence artificielle et les services numériques. La stratégie de l’INPI s’appuie principalement sur une pondération stimulante des critères d’attribution au sein desquels le critère financier est prépondérant. A partir de 100 000 euros HT, nous devons soumettre le projet à la Direction générale pour sa validation. Nous recourons également aux marchés mutualisés et à l’UGAP quand cela est judicieux. Nous nous interrogeons à chaque achat sur la pertinence d’utiliser ces leviers. Sur le plan qualitatif, nous prêtons bien sûr attention à la qualité des prestations, aux délais et à la sécurité juridique de nos procédures et de nos contrats. D’ailleurs, les prescripteurs de l’INPI peuvent s’appuyer sur des acheteurs disposant de solides connaissances juridiques. Enfin, une commission consultative présidée par une personnalité qualifiée extérieure à l’établissement est saisie pour sécuriser toutes les attributions supérieures au seuil cité plus haut. A titre d’exemple des achats portés, nous avons pu contribuer à un dossier hautement stratégique : la mise en œuvre du Guichet unique des entreprises. L’INPI a été l’artisan de ce projet très sensible et l’a réalisé dans un délai record !
2- Quelle place dans cette stratégie occupe la formation des agents de l’équipe achats ?
La formation est très développée au sein de l’INPI ! A minima, chaque collaborateur bénéficie de deux formations par an et de nombreuses actions internes viennent compléter ce dispositif. Elles sont très demandées et appréciées par les collaborateurs.
Concernant le Pôle Marchés Publics, je l’encourage fortement ! Avec mon équipe de dix forces vives – dont un apprenti en Master 2 -, nous pratiquons une veille permanente sur tous les pans de la commande publique. Ainsi, l’équipe dispense ses connaissances lors de l’accompagnement de chaque projet. Nous mettons à jour nos connaissances en continu et travaillons en interne sur les process, les leviers d’achat, les pratiques de négociation et l’accompagnement de nos interlocuteurs lors de l’exécution de nos marchés ou de la gestion des contentieux.
3- Vous avez mis en place des modules de formation sur les marchés publics pour l’ensemble des agents. Pourquoi étendre cette formation au-delà des acheteurs ?
Au départ, c’est un souhait de la Direction Générale : la formation de tous les agents de l’INPI en matière de commande publique s’inscrit dans le Contrat d’Objectifs et de Performance (COP) de l’INPI. Il est essentiel de diffuser largement une culture de l’achat public. Dès mon arrivée au sein de l’établissement, j’avais compris qu’il y avait des réticences vis-à-vis de la matière. J’ai choisi de former plus d’une centaine d’agents aux fondamentaux de la commande publique. Nous sommes un établissement public et, à ce titre, nous devons tous intégrer les contraintes des marchés publics. L’idée de cette formation est avant tout de faciliter le dialogue entre tous les acteurs de l’achat et de nourrir une confiance mutuelle entre les acheteurs et les non-acheteurs. L’objectif est clair : arriver à une compréhension parfaite entre le besoin des prescripteurs et les réponses des membres du Pôle marchés publics.
4- Comment avez – vous organisé ces formations ?
Ce fut un beau et passionnant défi ! Sur les près de 740 agents de l’INPI, nous avons identifié avec la DRH une centaine de collaborateurs les plus mobilisés sur la prescription. J’ai articulé leurs formations en trois temps : la définition du besoin ; sa mise en dévolution (la procédure de mise en concurrence, avec l’analyse des offres, les négociations); et enfin l’exécution du contrat. Je les ai construites pour qu’elles répondent aux interrogations quotidiennes de chaque collaborateur : les chefs de projets métiers les financiers et les comptables. J’avais à cœur que chacun connaisse ses actions, ses responsabilités, et je souhaitais donner à tous les clefs pour comprendre les contrats, leur intérêt, comment réagir en cas de problème mais aussi quand tout s’organise bien. Ma volonté était mettre en relief, sur les trois temps principaux de vie de la commande publique, les bonnes pratiques et les bons réflexes pour avancer. J’ai dispensé moi-même une partie de cette formation auprès de 140 agents en visio-conférences, soit 11 sessions de 2 jours entre février et décembre 2021, au global 154 heures de formation. Une autre partie a été externalisée. Il me semblait important de mettre en place une journée de cas pratiques, d’ateliers concrets comme « savoir construire une formule de révision des prix », pour « pouvoir l’appliquer et savoir la calculer », ou bien « faire un exercice de notation d’une offre pour que l’analyse soit la plus objective possible ». Avec le centre de formation ACP , et Eve Belhassen, la formatrice et Dirigeante chez DACO Formations, nous avons ainsi co-animé ces mises en situation durant 11 ateliers d’une journée avec un outil d’e-learning innovant d’exercices pratiques et ludiques paramétré sur mesure par Eve Belhassen pour mettre chacun devant la réalité de la commande publique.
5- Comment ces formations ont-elles été accueillies par les agents « non-acheteurs » ?
Les retours et les évaluations de ces formations ont été plus que positives ! Les non-acheteurs au sein de l’INPI ont bien saisi l’intérêt de mieux comprendre la commande publique. Nous, acheteurs, considérons que le prescripteur est précieux car son savoir-faire est le cœur de notre activité. Nous ne sommes pas là pour le ralentir, ni le bloquer mais bien pour l’accompagner dans son projet et trouver la procédure et le contrat les plus sécurisés et les plus adaptés à son besoin. Désormais, il y a une réelle volonté de co-construire ensemble. Incontestablement, des barrières ont été levées. Lors de ces formations, mon équipe était présente et a initié ainsi un vrai dialogue constructif avec les non-acheteurs. Ce fut un temps béni pour échanger de manière assez libre, sans urgence.
6- Quels enseignements en retirez-vous ?
Désormais, les prescripteurs abordent mieux le sujet et associent les membres du Pôle Marchés Publics en amont de leur projet. C’est une vraie évolution ! Les non-acheteurs ont compris pourquoi les acheteurs sont très demandeurs d’informations et sont disposés à leur donner le maximum pour que leur besoin soit satisfait pleinement. Si c’était à refaire, je ferais exactement la même chose mais en présentiel ! Le contact direct est plus agréable et facilite les échanges. J’aurais également aimé associer encore plus mon équipe à la dispense de la formation, mais les délais de préparation étaient très condensés et leur expertise était requise sur les dossiers en traitement !
7- En quoi cette action va-t-elle influer sur votre stratégie achats ?
Nous allons poursuivre cet exercice et continuer à faire évoluer certains processus, comme la discussion en amont avec les prescripteurs. Je souhaiterais également organiser des sessions par thématique auxquelles tout le monde pourra s’inscrire. La traduction pratique est immédiate et bénéfique à tous pour rendre la saisine du Pôle Marchés Publics plus fluide et naturelle !